Historie de la Sicile

La plus grande île de la mer Méditerranée, a été influencée par les nombreux souverains différents qui passaient à travers son territoire. Cette belle terre, a été peuplée par les Phéniciens, les Romains, les Arabes, les Normands, français, espagnol, autrichien et chacune de ces peuples a laissé des traces importantes, encore visibles dans les monuments, dans les noms de lieux, dans les traditions du peuple.

Chronologie succincte

schema dominations en sicile
sicile occupation - http://tonyboss.chez-alice.fr/
  • v. 20000 av. J.-C. : installation des premiers hommes venus de la péninsule italienne
  • IIIe millénaire av. J.-C. : arrivée des Sicanes au nord de l'île
  • v. 1270 av. J.-C. : arrivée des Sicules au sud de l'île
  • viiie siècle av. J.-C. : comptoirs phéniciens au nord-ouest (Palerme) ; colonisation grecque à l'est (Naxos, Syracuse, Zanclus, Messine)
  • viie et vie siècles av. J.-C. : époque des tyrans
  • Vers -550 av. J.-C. : défaite des Grecs face au général carthaginois Malco
  • 480 av. J.-C. : défaite carthaginoise à Himère
  • 241 av. J.-C. : Carthage cède la Sicile à Rome après la Première guerre punique
  • 468-476 : domination des Vandales
  • 491 : domination des Ostrogoths
  • 535 : conquête byzantine, prise de Palerme.
  • 827–878 : conquête musulmane par les Sunnites Aghlabides
  • 1060 : conquête normande
  • 1091 : fin de la domination musulmane
  • 1130 - 1194 : royaume féodal et normand de Sicile
  • 1194 - 1266 : période impériale : règne des empereurs Henri VI et Frédéric II
  • 1266 - 1282 : période angevine (domination française)
  • 1282 : vêpres siciliennes
  • 1282 - 1415 : période aragonaise
  • 1415 - 1713 : domination espagnole sur la Sicile
  • 1713 - 1735 : période d'instabilité : maison de Savoie, Empereur
  • 1735 - 1860 : Maison des Bourbons d'Espagne
  • 1861 : royaume d'Italie
  • 1946 : statut d'autonomie régionale

Premiers habitants 

fragments fiasco
By Davide Mauro [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia

 À partir du IIe millénaire av. J.-C., l'île est occupée par trois peuples : les Sicanes, les Sicules et les Élymes.

Les Sicanes, sans doute d'origine ibérique, étaient implantés dans l'ouest de l'île. Les Sicules, originaires de la péninsule et arrivés postérieurement, s'établirent dans le centre et l'est. Ils donnèrent leur nom à la Sicile qui s'appelait auparavant Trinakie.

À côté des Sicules à l'est et des Sicanes à l'ouest, la tradition littéraire indique que la région nord-occidentale de l'île était habitée par les Élymes. L'image de ces derniers est plutôt floue, et il est difficile d'en déterminer l'origine (attribuée tantôt à l'Anatolie, tantôt à l'Italie péninsulaire). Elle est généralement basée sur la langue, et de récentes considérations indiqueraient une filiation italique.

Colonisation de la Sicile

Phéniciens

stele punic
By Ferpint, via Wikimedia

 À partir du VIIIe siècle av. J.-C., les Phéniciens fondent des comptoirs commerciaux en Sicile. Ceux-ci, souvent établis sur des promontoires ou des îles voisines de la côte, sont concentrés à la pointe nord-occidentale comme Palerme, Solonte ou Motyé

Grecs

La colonisation est due à quatre causes principales. – Sténochoria, un manque de terre qui a poussé les Grecs à chercher des terres plus fertiles : en particulier en Sicile. – Phénomène épisodique, situation conjoncturelle : sécheresse entraînant la mort des arbres. – Phénomène commercial : besoins de chercher des matières premières (métaux : cuivre, fer) insuffisants en Grèce.
On se dirige vers des zones d’approvisionnement : Étrurie (Italie autour de Rome), Andalousie (Espagne). – Conflits politiques qui déchirent les métropoles, témoignage de l’émergence de la communauté politique, de l’aristocratie. 

Dates de fondations des cités, selon Thucidyde  

  • -734 : Naxos, fondée par les Chalcidiens
    syracuse dionigi
    oreille dionigi -Syracuse
  • -733 : Syracuse, fondée par les Corinthiens
  • -728 : Léontine, fondée par Naxos (colonisation secondaire)
  • -728 : Catane, fondée par Naxos (colonisation secondaire)
  • -728, -727 : Megara Hyblaïa, fondée par les Mégariens
  • -688 : Gela, fondée par les Rhodiens
  • -662 : Akrai, fondée par Syracuse (colonisation secondaire)
  • -628, -627 : Selinus, fondée par Mégara Hyblaea (colonisation secondaire)
  • -597 : Kamarina, fondée par Syracuse (colonisation secondaire)
  • -580 : Agrigente, fondée par Géla (colonisation secondaire) 

Antiquité

La Sicile fut ensuite gouvernée par des princes appelés « tyrans » dont les fameux Denys l'Ancien et Denys le Jeune (qui accueillit le philosophe Platon).

La Sicile fut un enjeu dans la Guerre du Péloponnèse opposant Athènes à Sparte : en -415, sous l'influence d'Alcibiade, Athènes se lança dans l'expédition de Sicile, profitant des dissensions qui opposaient les cités de l'île : Athènes répondait à l'appel de Ségeste, attaquée par Sélinonte en -416. Syracuse, colonie corinthienne, était alliée de Sélinonte. Ségeste fit appel à Athènes, offrant même de payer les frais d'expédition. À ce moment de la guerre, la perte de l'Eubée, et la défection de nombreux alliés d'Athènes avaient rendu ses approvisionnements en blé précaires. La perspective de couper ceux des alliés siciliens de Sparte, tout en conquérant de nouvelles sources de ravitaillement fut certainement un élément déterminant.

schema 1°guerre punique
http://www.tunisientunisie.com/histoirela-premiere-guerre-punique-264-241-av-j-c

L'expédition prit la mer sous le commandement de Nicias, d'Alcibiade et de Lamachos en juin -415. En Sicile, Lamachos fut tué et Nicias resta seul à la tête de l'expédition. L'arrivée à Syracuse de Gylippos, général spartiate, fit perdre aux Athéniens la bataille des retranchements autour de la ville (octobre -414). La flotte athénienne fut emprisonnée dans la rade. Les Athéniens envoyèrent une force de secours commandée par Démosthène et Eurymédon. En août -413, la flotte fut défaite à la bataille des Épipoles, puis l'armée fut vaincue sur terre. Athènes perdit plus de deux cents navires dans cette expédition, et cinquante mille hommes (dont sept mille prisonniers des Latomies, carrière de Syracuse).

guerres puniques
guerres puniques (lhttp://www.liberliber.it/)

La Sicile fut un enjeu stratégique et économique important lors des deux premières guerres puniques. Elle tomba aux mains des Romains après la victoire du consul C. Lutatius Catulus en - 241 aux îles Egates : cette bataille marqua la fin de la première guerre punique qui opposa Rome à Carthage sur le théâtre sicilien. Après cette défaite, Carthage abandonna la Sicile qui devint une province romaine et assura désormais une partie importante du ravitaillement de Rome en céréales.

 Le roi de Syracuse Hiéron II fut un fidèle allié des Romains pendant la deuxième guerre punique, mais son petit-fils Hiéronyme, choisit en - 215 le camp carthaginois. Après une série de victoires d'Hannibal, la prise de Syracuse en - 212 annonce le redressement romain et préfigure la défaite carthaginoise. À la veille de l'Empire, la Sicile fut la base de la résistance des derniers Pompéiens menés par Sextus Pompée, fils de Pompée.

Après la chute de l'Empire romain, la Sicile fut envahie par les peuples germains, puis releva de l'empire byzantin jusqu'à la conquête musulmane de 827 à 902. 

Moyen Âge

Sicile musulmane 

Palermo la cuba
By Bjs [CC BY-SA 2.5 via Wikimedia

Passée au cours du ixe siècle sous domination arabo-berbère, la Sicile est, au début du ixe siècle, sous contrôle des Fatimides conquérants de l'Afrique du Nord appuyés par les Berbères de la tribu Kutâma. Le gouvernement en est confié à la dynastie kalbide des Banû Abî l-Husayn qui en seront les émirs héréditaires pendant plus d'un siècle. Durant cette période l'islamisation, l'arabisation et la berbérisation seront d'autant plus radicales qu'une importante vague migratoire berbère suivra les famines qui ravagèrent l'Afrique du Nord de 1004 à 1040. Durant cette période de domination musulmane de près de 250 ans (Palerme fut une ville musulmane de 831 à 1071), les chrétiens occupés se virent imposé le statut de « Dhimmi » tel que défini par la jurisprudence islamique. Après l'échec de la tentative de reconquête byzantine en 965, un processus d'arabisation totale du territoire sicilien est mis en place, favorisé par une importante immigration arabe et berbère en provenance d'Afrique du Nord, et appuyé sur une politique de développement économique et d'amélioration de la gestion fiscale. La Sicile se conforme alors au modèle économique des principautés d'Orient : production agricole destinée au marché et au palais, en particulier le coton, la soie, et les produits de luxe. Mazara, à l'extrémité sud-ouest de l'île, est alors le port central des échanges en Méditerranée. Quelques communautés chrétiennes grecques parviennent à subsister, à Palerme, à Catane et dans le Val Demone, au nord-est de l'île. Au début du xie siècle, la Sicile entre dans une période de crise politique grave. Vers 1030, la légitimité de l'imamat fatimide est en effet remise en question et les gouverneurs kalbides sont chassés de l'île. Les querelles dynastiques entre émirats rivaux conduisent à une fragmentation du pouvoir et à un affaiblissement politique dont profitent les Byzantins. Et en 1037, avec l'aide d'une faction musulmane, les Grecs lancent une nouvelle tentative de reconquête. L'expédition, conduite par le général grec Georges Maniakès, qui comptait déjà trois cents mercenaires normands prêtés par le prince lombard Guaimar IV de Salerne échoue cependant en 1042. 

Sicile normande 

Federico II
empereur Frédéric II

Une famille de hobereaux normands (les fils de Tancrède de Hauteville) ayant conquis des terres en Italie méridionale, le pape chargea le plus jeune, Roger, d'envahir la Sicile pour la reconvertir au catholicisme, et lui accorda la souveraineté sur les terres à prendre. La conquête normande de l'île se fit en une trentaine d'années 1060-1090. Le petit-fils de Roger Ier parvint à faire ériger l'île en royaume féodal en 1130. Roger II, admirateur de la culture musulmane, poursuivit la politique de tolérance de ses prédécesseurs. L'administration des rois normands était cosmopolite : elle rassemblait des Grecs, des Lombards, des Anglais et des Arabes. Ce syncrétisme se retrouve dans l'art de cette époque qui combine les apports romans, islamiques et grecs. L'île connut une période de prospérité, notamment dans l'agriculture. Le trône passa ensuite, par héritage, à la dynastie germanique des Hohenstaufen qui gouverna la région à partir de 1194 et adopta Palerme comme capitale en 1220. C'est par son mariage avec la fille de Roger II que l'empereur Henri VI établit sa souveraineté sur la Sicile. Son fils, l'empereur Frédéric II, passera l'essentiel de son existence dans l'île. Des conflits entre les Hohenstaufen et la papauté provoquèrent en 1266 la conquête de l'île par Charles Ier, comte d'Anjou et frère du roi de France Louis IX. Celui-ci mécontente les Siciliens en s'installant à Naples et en distribuant des fiefs à des Français. Le 30 mars 1282, le jour de Pâques, des émeutes, les Vêpres siciliennes, provoquées par des taxes excessives et exploitées par Pierre III d'Aragon et Michel VIII Paléologue, provoquèrent le massacre des Français de Sicile puis la conquête de l'île par le roi catalan Pierre III d'Aragon. La fin du Moyen Âge est une période de crise pour la Sicile : la peste noire dépeuple la région et les luttes de la noblesse créent un climat négatif. L'Inquisition est instaurée en 1487. 

 

 Époque moderne et contemporaine

La période espagnole est marquée par un relatif déclin de la Sicile. La société est dominée par une aristocratie et une Église qui disposent d'importants privilèges.

Drapeau d'état de la Sicile
Drapeau d'état de la Sicile

Pendant la période révolutionnaire, la Sicile reste aux mains du Bourbon Ferdinand III de Sicile (1759-1816), grâce à la protection britannique alors que les Français sont installés au sud de la péninsule italienne. Les tentatives de réformes aboutissent à la constitution de 1812 et à l'abolition des privilèges féodaux. Une petite bourgeoisie commence à se former. Mais ces efforts sont anéantis par le retour des Bourbons qui unifièrent les deux royaumes et s'installèrent à Naples. À partir de cette date, plusieurs mouvements de révolte contre la politique réactionnaire des Bourbons (refus d'instituer un gouvernement constitutionnel) échouent. En 1820, les révolutionnaires de Palerme demandent l'autonomie de l'île. La révolution de 1848 est agraire et particulariste.

La Sicile au sein de l'Italie

Depart da Quarto de Garibaldi
depart des mille avec Garibaldi

Après le débarquement de Giuseppe Garibaldi, la Sicile approuve, le 12 octobre 1860, un très contesté plébiscite d'annexion à l'État piémontais - le vote se fait sous la menace de l'armée d'occupation et n'était pas secret. L'année suivante, le 17 mars 1861, l'État piémontais changea son nom en Royaume d'Italie et la Sicile devint une partie de l'Italie.

 En Sicile et dans le Sud de l'Italie une vaste guérilla populaire (le Brigantaggio) de résistance contre les Piémontais et le nouvel État italien, qui dura plus de 10 ans, donna lieu à une violente répression militaire menée par l'armée italienne. Elle causa dans les premières années des centaines de milliers de morts civils, des milliers de déportés, la destruction de nombreux villages, l'effondrement économique de toutes les régions du Sud et une énorme vague d'émigration sans précédents dans l'histoire de l'île, qui porta des millions de Siciliens à l'étranger. Avant l'union avec l'Italie, la Sicile a été une des régions les plus riches et développées d'Italie. Palerme et la Conca d'Oro s'enrichissent avec l'exportation d'agrumes, en particulier de citron, et un certain développement industriel et économique voit le jour, soutenu par les deux grandes familles de Palerme, les Florio (it), représentés à partir de 1891 par Ignazio Florio Jr., l'une des plus grosses fortunes d'Italie, et de l'autre côté par les Whitaker, propriétaires de la villa qui deviendra le Grand Hôtel des Palmes, où Wagner acheva à l'hiver 1881-1882 son dernier opéra, Parsifal. L'influence des Florio est telle que la presse désigne Palerme sous le nom de « Floriopolis », tandis que la haute société européenne de la Belle Époque afflue dans la ville admirer son opulence.

ancien schema de la mafia
By El torero (en:Mafia and en:American Mafia structure.) Wikimedia

Mais après, la Sicile et tout le sud d'Italie furent ravagés, au profit du Nord, où se créèrent de grandes zones industrielles et urbaines. Les historiens situent la naissance des réseaux de crime organisé à partir de la fin du xixe siècle, puis leur influence s'étendit partout dans le monde. La mafia fut réprimée au début de l'ère fasciste, mais cela cessa lors des années 1930. Après la Seconde Guerre mondiale, elle profita du débarquement allié en 1943, du marché noir puis de la reconstruction pour opérer une renaissance et se lier à la mafia italo-américaine dans le marché de l'héroïne.  

Depuis 1946, la Sicile est une région autonome et a bénéficié de la réforme agraire partielle de 1950-1962, des subsides spéciaux provenant de la Cassa per il Mezzogiorno, du fonds du gouvernement italien pour les régions du Sud, ainsi que plus récemment des aides européennes (objectif I).  

giovanni Falcone
Le juge Giovanni Falcone

Un des plus gros enjeux pour la Sicile est celui de la lutte contre la Mafia (alias Cosa Nostra), organisation criminelle socialement enracinée et qui use de son pouvoir à travers tout un réseau clientéliste. Elle s'est distinguée dans les années 1950-1960 par le sac de Palerme. De la fin des années 1970 au début des années 1990, sous la direction du parrain Toto Riina, Cosa Nostra a mené une véritable guerre contre l'État italien, multipliant les assassinats de politiciens, de journalistes, de policiers et de magistrats (en particulier les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino en 1992). Si la Mafia se fait depuis plus discrète, elle continue de racketter les entreprises par le pizzo et noyaute l'économie à travers de multiples appels d'offres truqués, formant un véritable obstacle au développement de la région.

Par ailleurs, l'île de Lampedusa attire régulièrement l'attention des médias par les boat-people sans-papiers qui y débarquent ou y sont débarqués, puis enfermés dans des centres de détention avant d'être expulsés ou invités à rejoindre le continent et bénéficier d'un statut de réfugié. 

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